J'ai toujours voulu écrire un roman. J'ai fait tant de tentatives. Un jour, par chance, je suis tombée sur un reportage de magazine qui parlait des bayous louisianais. L'auteur y évoquait les cyprès, les hérons, la mousse espagnole.
Intriguée, j'ai prolongé cette lecture par d'autres articles, puis des essais et des documentaires. J'ai découvert la richesse de l'histoire de la Louisiane, entre nations amérindiennes, colonisation par le royaume de France et cruauté de l'esclavage : tout un pan de notre histoire qui m'avait plus ou moins échappé. J'ai parcouru quelques romans, mais tous m'ont paru datés et souvent racistes. J'ai voulu proposer autre chose.
Il m'a fallu huit ans pour y arriver.
Huit ans pour apprendre à écrire un roman. Huit ans pour esquisser des personnages et les voir prendre vie sous ma main. J'ai produit sept versions de ce texte : la première était très longue, les suivantes plus resserrées – jusqu'au texte final, celui dont j'ai soigneusement pesé chaque mot et chaque image. Celui dont je suis fière.
J'ai accordé une importance énorme à ma documentation. Écrire sur l'esclavage quand on est blanche, c'est difficile : on n'a pas vécu le racisme dans sa chair. J'ai donc tenu à consulter des sources primaires ou secondaires irréprochables… des auteurs et autrices qui ont connu la servitude (Frederick Douglass, Harriet Jacobs, Olaudah Equiano, Ellen et William Craft, Solomon Northup…) ou qui ont produit des essais ou des romans reconnus comme fiables.
Ça a été dur. Je n'ai jamais envisagé d'abandonner, mais j'ai souvent pleuré en me rendant compte que mon histoire ne tenait pas debout, que les trente pages récemment écrites ne servaient à rien, ou que je n'étais simplement pas à la hauteur de mon sujet.
Ça a pourtant été merveilleux. Toutes ces lectures, toutes ces rencontres en Louisiane et ailleurs, ces échanges avec Jean-Marie Laclavetine et Charlotte Milandri (responsable du diagnostic éditorial chez Les Mots) en lesquels j'ai trouvé des guides généreux et passionnants.
Et maintenant, le roman est là. Il est acheté, lu, commenté.
Je suis heureuse d’être allée jusqu’au bout.